Interview Constance Giard, Designeuse Vlisco depuis 2001

23 Mai 2023

Constance-Giard

Accueillis dans son nouvel atelier, Constance Giard nous offre une interview exclusive sur son parcours, l’histoire de la marque et la manière dont les designs sont effectués.

Comment en est-elle arrivée à travailler pour la marque Vlisco ?

Après l’obtention de son diplôme aux beaux-arts, elle a effectué un stage chez Vlisco, une entreprise néerlandaise spécialisée dans la fabrication du wax et existant depuis 1846, soit depuis 177 ans. Ce stage a ensuite débouché sur un emploi, et depuis 2001, elle travaille avec l’équipe de dessinateurs. Ayant grandi en Afrique, elle s’est rapidement sentie à l’aise à la vue de tous ces motifs si originaux qu’elle voyait petite. 

D’où vient la marque Vlisco ?

Tout commence pendant la colonisation de l’Indonésie. Au courant du 19e siècle, Pieter Fentener van Vlissingen (un Néerlandais) découvre, grâce à son oncle installé sur l’ile de Java, la technique utilisée pour la fabrication des textiles locaux, appelée batik, et perçoit son potentiel.

Cette technique de réserve à la cire étant très longue à réaliser, les étoffes nécessitaient des semaines, voire des mois, avant de voir le jour. En pleine révolution industrielle, il va essayer de réduire les délais de conception grâce à des machines d’impression. De là nait Vlissingen & Co, aujourd’hui Vlisco. A cette époque, pour répondre à une forte demande de ces étoffes, l’entreprise les commercialise localement à un prix plus attractif que les batiks réalisés à la main. En réaction et pour protéger ses produits locaux, le gouvernement indonésien mettra une taxe sur les importations.

Vlisco se tourne alors vers le marché africain où ces textiles légers, résistants et colorés vont rapidement trouver preneurs.

C’est ainsi que Vlisco s’ancre en Afrique. Le batik est remplacé par la wax. La différence entre le batik et la wax réside dans la formation de petites bulles de cire lors de sa fabrication, créant un motif supplémentaire sur le produit final.

Chateau-Vlisco

(image de l’entreprise Vlisco derrière un château)

Y a-t-il une signification à ces motifs ?

Aujourd’hui, certains motifs classiques sont très populaires et largement utilisés, tels que « Fleur de mariage », « Mon mari est capable » ou « Si tu sors, je sors ». Chacun de ces motifs a une signification bien particulière. Par exemple, « Fleur de mariage » est souvent utilisé dans les contextes de mariage, tandis que « Mon mari est capable » indique la capacité de l’homme à offrir ce textile onéreux. Quant à « Si tu sors, je sors », il sert d’avertissement très explicite entre époux.

Fleur-de-mariage
mon-mari-est-capable
si-tu-sort-je-sort

Comment crée-t-elle ses motifs ?

Tout d’abord, elle dessine à la main sur papier, réalisant des croquis inspirés de ses voyages ou simplement d’éléments du quotidien, tels que des panneaux publicitaires, logos, clips, bandes dessinées etc. Elle y ajoute sa petite touche humoristique ou de conteuse d’histoires.

Ensuite, elle transfère ses croquis sur le logiciel Photoshop pour une conception par ordinateur puis une fois terminé, le design est envoyé à Vlisco pour sa fabrication.

Il est important de noter que le dessin/motif peut être légèrement « naïf », épuré, sobre ou au contraire généreux en détails, en finesse pour plus d’élégance.

Voici quelques exemples de ses créations.

Ensuite, elle transfère ses croquis sur le logiciel Photoshop pour une conception par ordinateur puis une fois terminé, le design est envoyé à Vlisco pour sa fabrication.

Il est important de noter que le dessin/motif peut être légèrement « naïf », épuré, sobre ou au contraire généreux en détails, en finesse pour plus d’élégance.

Voici quelques exemples de ses créations.

(Le motif « Bible » a été utilisé pour l’enterrement d’Eyadéma, président du Togo en 2005)

Voici une vidéo de Vlisco montrant toutes les étapes de la création de leurs wax.

Est-ce qu’il y a des éléments qui ont marqué sa vie ?

Son enfance en Afrique (dont 10 ans au Cameroun) l’a beaucoup marquée et lui a donné ce goût pour le textile « africain ». Elle puise son inspiration dans ses souvenirs et ses nombreux voyages sur le continent. Et dire qu’une dizaine d’années plus tard elle créait à son tour des motifs pour ce marché !

Derrière moi, lors de l’interview, il y avait toute une collection de photos. Intriguée, je lui demande si je peux les voir de plus près. Elle me montre donc toute sa collection de photos de Seydou Keita et Malick Sidibé, photographes maliens des années 50-60, dont elle apprécie beaucoup le travail.

malick-sidibé
studio-malick-sidibé
malick-sidibé

Au bord d’une fenêtre est posé un livre, bordé par les rayons lumineux, le livre du Petit Prince y est ici comme montré du doigt par la nature. C’est ainsi que je lui demande si ce livre aussi a marqué sa vie. Elle me répond que oui, et souvent elle écoute, émue, sa version audio contée par Gérard Philipe. Grâce à cela, elle trouve le calme et l’apaisement qui lui sont favorables pour travailler à ses dessins.

Je remercie Constance de m’avoir accueillie et donné un moment privilégié, ainsi que pour cet échange sur nos racines africaines.

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